Ni l'ami, ni l'exclu

Publié le par Lettres à l'amer

Sable, tu te sens sur la rive, repoussé, spectateur du flot d'une rivière qui chemine. Pourtant je t'entraine de rivage en virage, au coeur de l'action. Je te charrie sur des kilomètres, tu finis par en détester le voyage.

Sable, dans le fond, mes idées vagues s'impriment en toi : parfois, ça les rend lisible.

Sable, tu t'infiltres partout sans espoir de repos. Tu me démanges ; je me tortille, ça te torture, et nos torts nous tuent, défont la douce alliance de l'onde et du limon. Tu es le grain qui pousse mais ne peut pas fleurir. Je t'irrigue, tu m'irrites, on s'éreinte, puis on s'étreint sans contraintes, fluides au fil de l'eau.

Sable, tu es si léger, le vent te balaye. Innombrable, impossible de s'en défaire, tu es toujours là quelque part, au bord de mon esprit ; viens y boire jusqu'à être saoulé, approche toi, qu'on s'oublie, qu'on s'abîme, qu'on sème le trouble à défaut d'un champ. A la cime d'une forêt, les possibles s'étendent loin du regard de ceux qui fixent leurs lacets.

Sable, je vais à la mer, je t'emmène à la plage : on y fera des châteaux éphémères et on vivra dedans. On se meut, on s'émeut. Je ne tiens pas en place et je ne te la laisse pas. Le temps a blessé la roche pour que tu viennes avec moi : accroche toi, il y a des remous et ça va tanguer, tandis que valsent mes certitudes.

Sable, au soleil tu te mets à mordre et je calme tes ardeurs. Quand vient la tempête, tu essuies ma colère. L'orage gronde sur nos têtes et s'épanche sur nos corps, son spectacle nous absorbe et nous recueillons ses larmes.

Sable, quand m'as-tu laissé t'éroder ?

Publié dans Voie maritime

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